En mai 2022, HelloWork regroupait l’ensemble de ses sites emploi sous une marque unique : hellowork.com. Ce changement majeur pour le premier acteur digital français de l’emploi et du recrutement était accompagné d’une promesse forte : rendre le recrutement plus transparent et offrir une expérience candidat inégalée. Six mois après, cette notion de transparence est devenue majeure dans les conversations. Pourquoi et de quelle manière ? Où en est HelloWork de ce nouveau paradigme ? Quelles nouveautés vont voir le jour en 2023 ? Décryptage avec François Leverger, directeur général d’HelloWork.
Quand on associe la transparence au recrutement, on pense immédiatement au salaire. Ce ne serait pas une vision un peu réductrice du sujet ?
Est-ce qu’il faut ériger le salaire comme étant le symbole de la transparence ? Chez HelloWork, nous pensons qu’il s’inscrit dans un phénomène plus global. Et contrairement à ce qu’on entend souvent, ce phénomène n’a pas vocation à opposer candidats et entreprises : la transparence n’est pas une lutte de pouvoir. Quand on dit qu’on est “pro-candidat”, ça ne veut pas dire qu’on ne comprend pas les recruteurs, ça veut dire qu’on est à la recherche du bon équilibre. Le salaire est juste une caractéristique essentielle d’un poste, qui fait qu’on a envie de se positionner ou pas. Ce n’est pas exprimer une opinion que le dire, c’est simplement faire un constat. Et ce n’est pas normal que cet élément essentiel ne soit pas à la disposition de tous les candidats, en dépit des problématiques que cela génère pour les entreprises.
Pourquoi parle-t-on aujourd’hui plus que jamais de transparence des salaires ?
Le digital, notre façon de consommer et les outils qu’on utilise tous les jours ont changé la donne. Tout le monde utilise à titre personnel son smartphone ou son ordinateur pour passer commande. Qu’on achète un repas en ligne ou qu’on prenne rendez-vous chez le médecin, on a accès à toutes les informations utiles pour choisir. Ce monde et celui du recrutement n’en forment qu’un. Il n’y a pas un monde où les consommateurs estiment faire un choix éclairé au moment de faire un achat et un monde du travail où, en tant que candidats, ils fonctionnent différemment. Ce sont les mêmes personnes !
L’emploi serait devenu un bien de consommation comme un autre ?
Les outils et le digital ont fait changer notre façon de consommer. Oui, d’une certaine manière, l’emploi se rapproche désormais d’un bien de consommation. Le rapport à l’emploi, le rapport à l’entreprise n’est plus du tout le même. On ne vient plus dans une entreprise pour y faire carrière, mais on vient chercher quelque chose de précis pour un laps de temps qui peut être assez court. On consomme l’emploi comme on consomme tout le reste et le salaire devient une caractéristique basique : je vais réaliser une mission, je veux savoir combien je vais être payé pour cette mission. Il y avait auparavant parfois un déséquilibre au profit de l’entreprise. Ce postulat a désormais changé, au profit d’une plus grande égalité dans les rapports : “Je vous propose quelque chose qui est susceptible de vous intéresser, je vous présente le contenu du poste, l’environnement de travail, le salaire… est-ce que vous souhaitez travailler avec nous ?” On a désormais besoin de tous ces éléments pour prendre une décision, le digital en a fait une norme.
Le salaire fait partie des informations les plus importantes à connaître. Un salarié ne reste pas dans une entreprise pour ses missions si le salaire n’est pas bon, c’est un équilibre. Comme un consommateur n’achète pas un produit ou un service sur internet qu’il trouve bien, mais trop cher. Les candidats cherchent eux aussi le bon compromis.
Quel est le principal argument des recruteurs réticents à faire apparaître le salaire sur les offres ?
La première problématique est généralement d’ordre interne, et n’est pas simple à régler. Souvent, le problème est éludé et caché sous le tapis, en espérant que le monde du recrutement passe à autre chose. Ce n’est pourtant pas une solution viable. Un des problèmes récurrents des recruteurs, c’est qu’un certain nombre de collaborateurs ne sont pas au niveau de salaire auquel l’entreprise recrute désormais. Les salaires internes ne sont donc pas au prix du marché, mais cela n’a pas vraiment de sens d’espérer pouvoir cacher cette information, alors qu’aujourd’hui tout le monde connaît les salaires pratiqués sur le marché, que les infos circulent, que les salariés discutent…
C’est un vrai problème à gérer, mais ne pas travailler sur ce problème-là, même s’il est parfois très complexe, c’est accepter que des collaborateurs vont partir pour être au prix du marché. On les laisse partir et on va aller chercher des candidats plus chers pour les remplacer. Alors qu’on était content de leur travail.
Quelles démarches a entamé HelloWork pour inciter les recruteurs à associer un salaire à leurs offres ?
Aujourd’hui, les salaires sont indiqués sur plus de 30% des offres publiées sur hellowork.com. A terme, nous voulons que tous les candidats aient une idée de la rémunération liée à un poste. Nous essayons de faire comprendre aux entreprises que c’est un gain de temps : indiquer les salaires ne génère pas forcément beaucoup plus de candidatures, mais des candidatures plus qualifiées.
Sur chaque poste, nous demandons aux recruteurs une fourchette salariale. Cette fourchette, ils peuvent choisir de ne pas l’afficher, mais elle nous servira dans tous les cas sur nos moteurs de recherche : si un candidat cherche un poste entre 30 et 40 000 euros brut annuels, ces offres ressortiront en priorité. Nous travaillons en parallèle sur un référentiel de salaire et, à défaut, quand le salaire ne sera pas donné par l’entreprise, nous afficherons un référentiel. Nous dirons au candidat : « Nous n’avons pas l’information précise pour ce poste, en revanche nous savons que ce type de poste est généralement payé entre tant et tant ». Un travail pédagogique sera fait en amont avec les entreprises, en leur annonçant ce qui sera affiché et en les invitant à corriger si cela ne correspond pas à ce qu’elles avaient en tête.
Notre objectif, c’est de donner toutes les informations à un candidat pour qu’il puisse choisir le poste qui lui correspond le mieux : missions, environnement de travail, salaire… A terme, nous privilégierons l’affichage des offres d’emploi pour lesquelles nous aurons toutes ces informations. A la manière du label Superhost d’Airbnb, qui te garantit que tu seras bien accueilli, ce seront les critères d’un recruteur vertueux : des informations transparentes, un salaire clair.
Le vrai enjeu, c’est d’aider les candidats à se positionner sur des postes qui leur correspondent vraiment et de faire gagner du temps à tout le monde. Pourquoi nous souhaitons que le salaire apparaisse sur les offres d’emploi ? Simplement parce que c’est un critère de choix de premier ordre.
Au-delà du salaire, sur quels aspects de la transparence travaille HelloWork ?
Le game changer pour moi, c’est la capacité à raccourcir le cycle de mise en relation entre le candidat et le recruteur et la transparence est un moyen d’y arriver. Il faut repenser la façon dont on montre les choses : les offres se ressemblent encore beaucoup et un comptable qui cherche un poste n’a pas besoin qu’on lui explique ce qu’est le métier de comptable. Ce qui va distinguer une entreprise d’une autre ? Les photos, l’environnement de travail, les avantages, le salaire.
Aujourd’hui, quand un candidat répond à une offre, sa candidature est envoyée à l’outil de gestion de candidature du recruteur, avec un cycle qui est propre au recruteur. Quand on fait un achat, on sait exactement ce qui se passe entre l’achat et la livraison, on peut même envisager d’annuler à n’importe quelle étape, si on se rend compte que quelque chose ne va pas. Dans le recrutement, on n’a pas ça. On travaille la marque employeur, on publie des offres d’emploi, on incite le candidat à postuler… et ensuite ? On intègre les candidatures dans une chaîne logistique, avec trop souvent une absence totale de transparence. Les candidats n’aiment pas qu’on leur dise non. Mais ils détestent encore plus qu’on ne leur dise rien.
Le suivi de toutes les candidatures est donc une priorité pour HelloWork ?
Pour moi, la suite de la transparence, c’est cette brique ! Donner de la visibilité aux candidats pour qu’ils sachent où en est leur candidature : est-ce qu’elle est consultée, sélectionnée, est-ce qu’elle rentre dans un process… ou est-ce qu’elle est rejetée ? HelloWork pourra jouer ce rôle de point de contact entre le recruteur et le candidat, et informer ce dernier du statut de sa candidature. C’est ce qui nous permettra aussi de l’avertir qu’un recrutement est déjà bien avancé sur un poste, qu’on ne peut donc pas lui garantir que sa candidature sera prise en compte. Et par rebond, de gommer ce sentiment d’absence de considération du candidat quand il n’a aucun retour de l’entreprise.
Je suis convaincu qu’il ne faut pas jeter la pierre aux entreprises, aucune entreprise n’a envie de mal faire. Elles ont même une vraie volonté de changer les choses, mais elles ne savent pas forcément comment faire et c’est là que nous avons un rôle à jouer. Et je pense que ça passera aussi par la technologie, pas en leur disant « maintenant il faut que vous répondiez à toutes les candidats ». Les plateformes ont généré une augmentation considérable du nombre de candidatures et, de fait, des difficultés à gérer ce volume. C’est en partie à nous d’aider à régler le problème, en tous cas de donner les bons outils aux recruteurs pour le faire.
Source: HELLOWORK